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A l'heure du végétal et du sans gluten

De nouvelles initiatives se mettent en place pour répondre à la végétalisationdes protéines et mieux appréhender la vague du sans gluten qui interpelle.

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Deux tendances fortes de l'alimentation santé sont sous les feux de la rampe du secteur appro-collecte : les protéines végétales et le sans gluten. Autant les premières sont plutôt connues, autant le second suscite de nombreuses interrogations. Selon Terres Univia, l'agriculture française est autosuffisante pour répondre aux besoins de la consommation humaine en protéines végétales. Toutefois, les perspectives d'évolution sont porteuses. A l'horizon 2030, la demande mondiale en protéines de toute origine sera plus importante de 40 %. D'autre part, l'Anses recommande de rééquilibrer l'assiette en faveur des protéines végétales et de consommer des légumineuses deux fois par semaine. En France, les principaux développements autour des protéines végétales concernent le blé et les plantes riches en protéines. Ainsi, Tereos a mis sur le marché de la RHF, le « sauté végétal », mélange de protéines de blé et de farine de pois chiche. L'industriel Roquette a investi 40 M€ en 2017 à Vic-sur-Aisne, afin d'accroître sa capacité de production de protéines de pois. Cependant, les nouvelles sources de protéines, microalgues, hydrolysats de protéines d'insectes et protéines issues des biotechnologies, sont en plein essor. Selon le bilan de référencement du GEPV, près de 4 700 produits contiennent des matières protéiques végétales (identifiées à partir de 1 % de présence), contre300 en 1989. Les trois rayons les plus utilisateurs sont le traiteur, l'épicerie sucrée, et la boulangerie-viennoiserie.

Autosuffisance en légumes secs

Près de 200 000 ha de féverole, pois, lentille, lupin, soja et pois chiche sont destinés à l'alimentation humaine en France. Citons aussi le quinoa, riche en protéines, produit sur 1 000 à 1 200 ha par la CAPL (Maine-et-Loire), couvrant 30 % des besoins de l'Europe de l'Ouest et vendu pour deux tiers des volumes sous la marque Quinoa d'Anjou. La production de légumes secs se développe peu à peu avec pour objectif d'atteindre l'autosuffisance. Qualisol vise ainsi 10 000 ha de légumineuses (lire encadré). « Aujourd'hui, le rythme s'accélère. Un client vient de me commander 200 t de farine de pois chiche germés », avance Laurent Spanghero, à la tête de Nutrinat, start-up bio et végane, filiale de Qualisol, qui est sollicitée, entre autres, par les spécialistes du 3e âge pour des produits enrichis en protéines. Face à un marché dynamique, de nouvelles pistes sont explorées. La production de chia vient de démarrer avec la filière « Chia de France » de Panam. Ce semencier estime la production potentielle à 200 000 ha sur la base d'une consommation de 10 g par jour de chia pour couvrir les besoins en oméga 3 dont la carence peut provoquer des troubles neurologiques. Panam a d'ailleurs créé une fondation pour aider à la recherche dans ce domaine.

Négocier le prix en chia

Le négoce Bernard, dans l'Ain, a testé cette production sur 3 ha en bio et compte renouveler l'expérience. « Etant donné l'investissement en binage et surtout en tri après récolte, nous souhaitons négocier un prix correct pour notre structure et l'agriculteur, pour une graine qui peut être vendue15 €/kg, voire plus, en rayon. Un producteur devrait pouvoir toucher 2 000 à 3 000 €/ha », avanceCyrille Fiard, responsable commercial du négoce rhônalpin, qui développe une filière protéines végétales en alimentation humaine depuis cinq ans avec le soja (4 000 ha).Il tient toutefois à souligner que « nous ne pourrons pas tous produire la même chose au risque de détériorer le marché. Ainsi, nous allons tester les légumes secs, mais avec des agriculteurs en vente directe ».

C'est pour mieux organiser cette dynamique de production que Protéines France (consortium d'une quinzaine d'opérateurs) a vu le jour début 2016. « De nombreuses initiatives naissent : la chia, les variétés anciennes en pois, le plan protéines des Hauts-de-France. Il est cependant nécessaire de fixer des priorités, afin que la France devienne leader européen en protéines végétales, prévientAnne Wagner, présidente de Protéines France. Nous invitons les coopératives et les négoces à s'organiser en filière avec l'aval et invitons l'Etat à proposer des incitations à l'investissement, des essais au champ et des premières industrielles. »

Le tritordeum, une alternative ?

Cette dynamique végétale est également une réponse, hors blé, aux besoins d'un marché sans gluten qui progresse régulièrement de 15 à 20 %. Si une partie de ce marché est appelée à perdurer pour des raisons de santé (1 % de la population serait coeliaque, 0,1 à 0,3 % allergique au gluten et 2 à 5 % hypersensible), une autre partie se reporte sur le sans gluten pour des raisons de bien-être ou par effet de mode. Face à ce mouvement en croissance dans les rayons, la filière céréalière a pris la question au sérieux depuis cinq ans et a créé Initiative gluten en 2016 pour partager avec l'aide de sept experts les connaissances dans ce domaine. Différentes études sont en cours dans le monde sur ce sujet aux nombreuses interrogations. En France, un projet Inra vient d'être lancé (lire ci-contre) pour mieux connaître l'hypersensibilité non coeliaque et étudier des pains plus digestes. S'agissant des semenciers, Thierry Demarquet, sélectionneur blé tendre, chez Florimond Desprez, reconnaît que « nous n'avons pas les connaissancessuffisantes pour mettre en place un programme de sélection spécifique pour réduire la sensibilité au gluten, et nous devonsy trouver un intérêt économique ». Une nouvelle espèce comme le tritordeum (hybride blé dur et orge sauvage du Chili) est présentée par la société espagnole Agralys, qui la commercialise en France via Agri Obtentions, comme une céréale avec une structure de protéines (moins de gliadines) plus digeste selon des études de chercheurs espagnols. En 2018, 300 ha sont prévus en France, dont 50 % en bio, avec pour objectif de « doubler la surface tous les ans. Nous avons des licences avec trois moulins », précise Anton Autier, chez Agralys. La coop de Mansle a un contrat de partenariat pour suivre la production en Nouvelle-Aquitaine, Vendée et Maine-et-Loire. « Nous avançons progressivement sur une culture plus rustique mais moins productive (30 à 40 q/ha) qu'un blé. Les produits finis sont intéressants gustativement. Sur notre zone, une boulangerie travaille le tritordeum, une seconde est prévue. Nous souhaitons produire ce qui peut se vendre demain et être en anticipation sur les marchés du sans gluten », détaille Tony Fouché, son codirecteur. D'ailleurs, cette coopérative a un silo qui ne reçoit jamais de blé, car dédié à du sarrasin. Elle prévoit d'investir dans de nouvelles cellules, sans insecticide de stockage, pratique généralisée à toutes ses productions.

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